*** Benjamin Heng, MKDE à Grans ***

J’ai lu pour vous le dernier article de Annina Schmid (qui m’a aimablement autorisé à rédiger cette note), Louise Haley et Brigitte Tampin paru dans le JOSP sur les “Entrapment neuropathies”, que je traduirai par “neuropathies de piégeage” faute de mieux. (article original)

Définition : Neuropathie de piégeage

C’est une affection médicale provoquée par la compression directe d’un nerf.  C’est le cas, par exemple, des neuropathies canalaires (comme le canal carpien), mais aussi des compressions des racines nerveuses par une hernie.
Certaines pathologies, comme le diabète, rendent les nerfs particulièrement vulnérables à la compression.

La compression entraîne une augmentation de la pression intraneurale (PN) qui devient supérieure à la pression sanguine locale (PS). Le sang ne peut plus pénétrer facilement dans le nerf, créant une ischémie locale. Cette ischémie perturbe l’émission des potentiels d’action, et donc la circulation du message nerveux.

Pour ceux qui étaient aux JFK 2017 et ont pu assister à l’intervention d’Annina Schmid ainsi qu’à son workshop, une bonne partie du contenu vous semblera familier : je vais me servir de mes souvenirs de ces cours pour enrichir un peu mon commentaire.
L’article recense un certain nombre de points de divergence avec ceux que l’on a pu apprendre (ou enseigner) à l’IFMK, voire même en formation continue. Les tests qui me semblaient pertinents ne le sont pas forcément autant que je le croyais, et quelques nouveaux tests simples peuvent s’intégrer au bilan pour améliorer sa sensibilité.

Définition : Douleur neuropathique

Une douleur causée par une lésion du système nerveux (d’après l’IASP*). On distingue deux grandes familles : la douleur centrale et la douleur périphérique.
*International Association for the Study of Pain

Dans cet article, il est surtout question de douleur périphérique. Elle est liée à un état pathologique des nerfs périphériques. Elle peut être due à des problèmes systémiques (par ex: abus d’alcool, diabète, effets secondaires de médicaments) ou locaux (par ex: lésion traumatique du nerf, compression).

  • Le non respect des dermatomes par une douleur neuropathique doit être considéré comme la règle plutôt que l’exception. Cela n’exclut absolument pas une neuropathie de piégeage.

En plus de l’inconstance des dermatomes et de la possible influence des myotomes/sclérotomes, il a été observé que la compression d’un nerf va entraîner une réaction immuno-inflammatoire locale, mais également dans le corps du neurone (qui se se situe dans le ganglion de la racine dorsale) !

A partir de là, l’inflammation peut se propager au ganglion plus ou moins en entier, entraînant une baisse du seuil d’activation des neurones hors du nerf initialement impliqué. La douleur “sort” donc du dermatome d’origine.

D’une façon toute aussi surprenante, l’inflammation peut se diffuser en controlatéral, voire au niveau spinal/cérébral dans les atteintes sérieuses du nerf.

  • Des tests spécifiques pour les petites fibres nerveuses devraient faire partie de l’examen neurologique standard.

En effet l’Électro-MyoGramme (EMG) teste essentiellement les grosses fibres (Aß et motoneurones), soit 20% des fibres d’un nerf périphérique. Les petites fibres (Aß, C) peuvent être touchées dans les atteintes distales (ex: canal carpien) comme proximales (ex: radiculopathies). On peut cliniquement tester ces fibres en testant la sensibilité de la différenciation thermique, et la sensibilité à la piqûre. En cabinet, on peut utiliser des pièces de monnaie à température ambiante versus température corporelle, et de simples cure-dents pour tester les deux, respectivement.

  • Les tests neurodynamiques (ND) ne servent pas à diagnostiquer une neuropathie, mais une mécano-sensibilité augmentée du nerf.
  • Un test ND négatif n’exclut pas une dysfonction neurologique.
  • Une mécano-sensibilité augmentée du nerf n’implique pas la présence d’une douleur neuropathique.

Définition : Mécano-sensibilité

Sensibilité augmentée du nerf à la compression (ex : palpation) ou à l’étirement.

Cela va être plus simple de réintroduire un peu du workshop des JFK dans cette partie. Annina Schmid y classait ses patients potentiellement neuropathiques en trois catégories (cf tableau plus bas) :

  • Ceux qui avaient des tests ND positifs mais aucun symptôme neurologique. Elle proposait de les classer en “douleurs nociceptives”. Il est probable que ce soit le tissu conjonctif du nerf qui soit touché.
  • Ceux qui avaient des tests ND positifs et des symptômes neurologiques. Ils ont souvent peu de pertes de sensibilité ou de force, et plutôt une hyperalgésie ou des paresthésies. On les classe dans les “gains de fonction neurologique”.
  • Ceux qui ont des tests ND négatifs et des nerfs endommagés. Plus les dommages sont importants, plus les chances d’avoir un test ND positif seraient faibles ! La classification proposée pour ce groupe est celle des “pertes de fonction neurologique”, notamment la discrimination chaud / froid, la pallesthésie, une hyporéflexie…

En prenant un peu de liberté par rapport à l’anglais, on pourrait aussi traduire ces deux dernières classifications en “augmentation de la fonction neurologique” et “diminution de la fonction neurologique”.

Concept : Gain de fonction neurologique

Acquisition par un nerf de nouvelles fonctions (paresthésie) ou augmentation de la sensibilité de ses fonctions normales (hyperalgésie, mécano-sensibilité).

Ainsi, un test ND positif pourra nous indiquer un patient ayant des douleurs nociceptives ou un gain de fonction neurologique, mais pas un patient avec perte de fonction neuro ! (Big news pour moi, qui m’a poussé à me lancer dans cette traduction).

On reprend ça avec un tableau ?

Douleurs Nociceptives Gain de fonction neurologique Perte de fonction neurologique

Irradiations dans le membre, douleur décrite comme brûlante/électrique…

négatif souvent positif souvent positif

Tests Neurodynamiques

positifs positifs très souvent négatifs

Hypoesthésie, perte du pique-touche,
perte de la discrimination chaud/froid

négatif souvent négatif positif

Hyperalgésie, allodynie, paresthésie,
gain au pique-touche

négatif positif souvent négatif

Les derniers points sont plus consensuels :

  • Les effets des techniques neurodynamiques pourraient bien ne pas se limiter au versant mécanique.

A priori, aucune étude ne prouve à ce jour que les techniques de glissements restaurent l’amplitude (de glissement) des nerfs. Cependant, on sait que la chirurgie du canal carpien peut résoudre le problème sans restaurer la mobilité du nerf. Dès lors, l’amélioration pourrait être due à un effet anti-inflammatoire (local ou à distance), à la dispersion de l’oedème intraneural ou aux voies opioïdes endogènes…

  • Le traitement du déclencheur périphérique, s’il est identifiable et répond au traitement, reste une partie intégrante du traitement, même si des mécanismes centraux sont présents.

Même chez les patients avec une forte composante centrale, les opérations ont souvent montré des effets immédiats en dépit des changements de la modulation de la douleur et des changements corticaux structurels et fonctionnels. En revanche, la gestion non chirurgicale des neuropathies de piégeage est encore mal évaluée.

Voilà, c’est tout pour cet article. Madame Schmid a eu la gentillesse de me prévenir d’un article co-écrit avec Colette Ridehalgh sur les tests cliniques que je me ferai un plaisir de vous résumer aussi quand il sortira.

Un grand merci à Benjamin d’avoir traduit et partagé cet article avec nous ! C’est avec ce genre d’initiatives qu’on facilite le partage de connaissances et qu’on fait bouger les choses ! Bref, tout ce qu’on aime et ce en quoi on croit chez Kobus 🙂

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