L’examen clinique

Par Bryan Littré, MKDE, passionné par les atteintes nerveuses périphériques

Bonjour, je me présente, Bryan LITTRE MKDE diplômé du CEERRF de Saint-Denis. Depuis mon diplôme, j’ai suivi beaucoup de formations dans le champ musculo-squelettique où j’ai découvert les atteintes nerveuses périphériques (névralgies cervico brachiales, sciatalgies, radiculopathies …) pour lesquelles j’ai un attrait particulier.

Dans ce deuxième billet (le premier est disponible en cliquant ici) je vais tenter de vous expliquer ce qui, selon les données de la littérature, est essentiel dans le fait de bien mener un examen médical et plus particulièrement un examen clinique.

L’examen clinique

Tout d’abord, un examen médical est mené lors d’un entretien individuel avec le patient. Cet examen médical aide au diagnostic de maladies, à la mesure de la progression des troubles du patient, ou à la confirmation de l’absence de maladies. Au cours de cette consultation, l’interrogatoire va permettre de relever certains signes et symptômes du patient, qui vont nous orienter lors de l’examen clinique qui suivra. L’interrogatoire et la relation thérapeutique sont aussi importants (voir plus) que l’examen clinique, ils ne sont donc pas à négliger.

L’examen clinique nous aide à distinguer des pathologies probables grâce à des tests cliniques. Ceux-ci doivent nous favoriser dans la prise de décision. Ils nous aident donc, à infirmer ou confirmer un diagnostic, nous orientent vers la prescription d’examens médicaux complémentaires ou nous permettent d’avoir un pronostic concernant l’état du patient.

Dans de nombreux cas, un diagnostic ne peut être posé. Cependant, si des tests permettent de mettre un nom sur le trouble du patient, nous nous devons de les utiliser à bon escient. Le diagnostic a un rôle prescriptif de traitement et d’actions à mener. Il permet de labelliser les troubles afin de mieux les étudier au travers de la littérature scientifique, de mieux les communiquer avec le patient, et d’obtenir un pronostic en lien avec l’histoire naturelle de la maladie.

Les erreurs médicales

Vous vous demandez si en 2018 notre système de santé est performant dans la pose de diagnostic médical, voici quelques chiffres :

Aux USA et en France, les erreurs médicales sont la 3ème cause de mortalité après les pathologies cardiaques et les cancers. Le nombre de morts dépasse même celui de la combinaison des morts par Broncho Pneumopathie Chronique Obstructive, par armes à feu, par suicide et par accident de la route.

Les erreurs diagnostiques représentent la majorité des erreurs médicales. En 2013 aux usa 80 000 à 160 000 personnes meurent à cause d’erreurs diagnostiques. Le nombre d’erreurs médicales représenterait 450 000 actes commis, soit 1% des actes médicaux en France par an. Le nombre de morts liés à l’erreur médicale est estimé 23 000 personnes par an, comprenant maladies nosocomiales, erreur dans l’administration d’un médicament ou les erreurs graves. Il est compliqué d’obtenir des chiffres officiels proches de la réalité tant ce phénomène est sous-évalué et de nombreuses erreurs sont non répertoriées. Nous pouvons imaginer des chiffres au-delà de ceux présentés avec les exemples de la vie quotidienne ( la “tendinite de l’épaule” de Mme Michu qui est en fait une névralgie cervico-brachiale qui irradie très peu dans le membre par exemple). L’erreur est humaine, mais nous nous devons de la réduire au maximum.

En France, les médecins généralistes sont les thérapeutes qui se trouvent au départ du parcours de soin de la majorité des patients hors urgences. Cependant leur formation initiale aborde de manière très succincte les troubles neuromusculosquelettiques, la détection de red flag ou de yellow flag, ainsi que la clinimétrie des tests cliniques. Il est donc de notre responsabilité de savoir mener à bien un examen médical le plus aidant possible. La faiblesse de raisonnement clinique, les lacunes dues à leur formation, les croyances des thérapeutes ou le manque de formation des thérapeutes sont en partie responsables des erreurs médicales et diagnostiques. Nous pouvons améliorer ces aspects par le choix méthodique des tests cliniques utilisés, la pertinence des informations retenues lors de l’interrogatoire, la formation continue ou la réorientation vers un autre professionnel de santé si nous ne nous sentons pas capables d’aider le patient. Tout cela vise l’optimisation des soins et du parcours de soins des patients.

La neuropathie dans tout cela 

Les conséquences de notre prise en charge semblent éloignées du risque de mortalité. Cependant, les retards de diagnostic ou les mauvais diagnostics amènent à une « perte de chance » pour le patient, ou une méfiance dans sa vision du monde médicale. Constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ou de la possibilité d’éviter un risque.. Cela peut se traduire par des actes médicaux invasifs, une chronicisation du patient, une surmédication, une dépendance aux soins …

Comme dit dans le dernier billet, la neuropathie est souvent une pathologie évolutive et mixte. Un retard diagnostique peut s’effectuer si l’évaluation du système nerveux n’est pas complète ou si les symptômes ont évolué depuis le bilan initial. Il est préférable de savoir l’évaluer afin de mettre en évidence les variations des troubles du patient. La dégradation rapide des fonctions neurologiques est une chose pouvant nécessiter une prise en charge neurochirurgicale urgente (exemple : syndrome de la queue de cheval).

La neuroplasticité joue également un rôle dans l’évolution et l’entretien des troubles neurologiques par l’intermédiaire, d’une sensibilisation centrale et/ou périphérique qui se retrouve souvent lors d’une neuropathie. Évaluer les fonctions nerveuses du patient au fil du temps nous permet d’obtenir un pronostic favorable ou défavorable selon le changement de ses signes neurologiques.

Un cas particulier : l’ENMG

Concernant l’évaluation des fibres nerveuses, l’électroneuromyogramme (ENMG) est souvent utilisé afin d’infirmer ou de confirmer un diagnostic de neuropathie. Pendant très longtemps, il a été considéré comme le meilleur test disponible afin d’évaluer la fonction des fibres nerveuses. Or, l’ENMG évalue uniquement la neurophysiologie des fibres nerveuses myélinisées à travers l’amplitude de la réponse nerveuse à un stimulus et la vitesse de conduction motrice ou sensitive de cette stimulation. Et nous savons depuis une dizaine d’années que ce test n’évalue qu’une partie infime des fibres nerveuses présente dans un nerf. Un ENMG négatif n’exclut pas la neuropathie chez un patient, car il peut avoir une atteinte des autres fibres nerveuses sans que l’ENMG puisse les évaluer. De plus, cet examen est coûteux ( 120 à 150€ l’acte ) et souffre d’un manque de reproductibilité, principalement en raison du non-respect des recommandations de bonne pratique. Il ne permet pas non plus de détecter le site de la lésion nerveuse lorsque l’atteinte est mécanique. De plus, la précision diagnostique de l’ENMG est plus faible lors d’une atteinte radiculaire modérée que sévère. Cependant, un test par ENMG qui reviendrait positif, permet de poser le diagnostic de neuropathie.

Le test est plus intéressant comme outil pronostique ou parfois prescriptif. Il semble donc plus pertinent de baser notre examen clinique sur des tests autres que l’ENMG en premier lieu. Ceci pour des raisons économiques, de faisabilité et d’interprétation des résultats qui doivent être mis en lien avec les signes cliniques et les symptômes du patient.

Dans le prochain billet, nous allons commencer à explorer une des composantes de l’examen clinique des neuropathies : l’évaluation des dermatomes.

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