Compréhension de sa nature multifactorielle et options de traitement

par Vincent Girod, MKDE, nouveau blogueur 😉

Préambule

Simon Lack et son équipe nous ont donc montré dans la première partie de cette masterclass que les douleurs fémoro-patellaires(DFP) sont multifactorielles et que chaque facteur favorisant survient rarement isolément.

Dans cette deuxième partie nous allons aborder l’évaluation du patient et les éléments importants à explorer afin de comprendre le mécanisme impliqué dans l’apparition et l’entretien des douleurs chez notre patient.

C’est à partir de ces éléments que nous pourrons élaborer la prise en charge la plus adaptée.

Mais ça, ça sera pour la semaine prochaine !

2 – Evaluation

Nous avons récemment publié un « guide des meilleures pratiques » pour prendre en charge les DFP en combinant les résultats de revues systématiques avec des entretiens qualitatifs d’experts internationaux, dans le but de guider les praticiens dans leur raisonnement clinique et fournir des outils de traitement basés sur les preuves1. Cette synthèse des preuves souligne que, pour prendre en charge efficacement la nature multifactorielle des DFP, la prise en compte de plusieurs approches et interventions différentes est requise (tableau 1)2.

Pour prodiguer efficacement un plan de traitement sur mesure, il est nécessaire d’adopter une évaluation multidimensionnelle pour identifier les facteurs individuels des symptômes du patient (figure 5). Un questionnement attentionné doit être adopté tout au long de l’examen subjectif, avec l’utilisation appropriée de questions réflexives pour augmenter la compréhension du problème du patient dès le début3. Par exemple, songez à inclure des phrases telles que «À quel point pensez-vous qu’une augmentation subite de votre volume d’exercice, par rapport à votre volume habituel, affecte vos douleurs de genou ? » et «À quel point pensez-vous que vos résultats d’imagerie expliquent vos symptômes, sachant que des changements similaires sont observés au niveau du cartilage des genoux chez des sujets avec et sans douleur ? ».

“pour prendre en charge efficacement la nature multifactorielle des DFP, la prise en compte de plusieurs approches et interventions différentes est requise”

Education Réhabilitation active Interventions passives
  1. S’assurer que le patient comprends quels sont les contributeurs potentiels à ses symptômes et les options de traitement
  2. Informer le patient sur les modifications d’activités appropriées
  3. Prendre en compte les attentes du patient vis-à-vis de la rééducation
  4. Encourager et souligner l’importance de la participation active à la rééducation
Principes :

  1. Préférer les exercices en chaîne cinétique fermée pour se rapprocher de la fonction
  2. Envisager les exercices en chaîne cinétique ouverte dans les stades précoces de la rééducation
  3. Superviser attentivement la réalisation des exercices dans les stages précoces pour s’assurer qu’ils sont bien réalisés, mais autonomiser le patient dès que possible
  4. Quand le patient est autonome, limiter le nombre d’exercices à 3 ou 4 pour favoriser la compliance
  5. Utiliser des feedback tels que les miroirs ou la vidéo pour améliorer la qualité de réalisation des exercices

Spécificités :

  1. Inclure du renforcement musculaire des quadriceps et fessiers
  2. Cibler les muscles distaux et le gainage quand vous constatez des déficits
  3. Envisager les étirements en particulier des mollets et des ischios-jambiers sur la base des résultats de votre évaluation
  4. Inclure le réentraînement aux schémas de mouvement, particulièrement pour la hanche
Diminution de la douleur :

  1. Employer des straps patellaires sur mesure pour diminuer la douleur à court terme
  2. Envisager l’utilisation d’attelles quand l’emploi du strap n’est pas possible (par exemple irritation de la peau)
  3. Envisager des semelles orthopédiques

Optimisation de la biomécanique :

  1. Envisager des semelles orthopédiques en fonction des éléments de l’évaluation (par exemple la présence d’une pronation dynamique excessive)
  2. Envisager le massage et l’acupuncture/dry needling pour améliorer l’extensibilité des muscles raides et des fascias, surtout latéraux
  3. Envisager les mobilisations de l’articulation patello-fémorale mais seulement dans les cas d’hypo-mobilité
  4. Envisager les mobilisations de la cheville et de l’interligne de Chopart en présence de restrictions de mobilité dans le plan sagittal

Tableau 1 : Résumé des preuves de niveau 1 et des opinions d’experts, issu de “The best practice guide to conservative management of petellofemoral pain”4 Les éléments en gras sont appuyés par des preuves de niveau 1

Figure 5 : Les domaines à considérer lors de l’évaluation d’un patient souffrant de DFP

2 – 1 – Structure et pathologie

L’évaluation des structures sous-jacentes et du degré de pathologie articulaire du patient peut être importante pour objectiver certains types de DFP. Cependant, conformément à des preuves émergentes dans d’autres affections musculosquelettiques communes telles que la lombalgie5, la corrélation entre les lésions structurelles et les symptômes a été montrée comme étant ténue chez les patients souffrant de DFP6.

Les résultats d’imagerie doivent avoir un impact limité sur les choix de traitement dans la plupart des cas. Les cliniciens qui travaillent avec des patients recherchant des interventions ciblant des structures, ou des pathologies structurelles devraient s’assurer qu’un temps adéquat est accordé à la discussion des preuves disponibles7, ainsi que le manque de preuve quant à l’utilisation des ces techniques (par exemple les injections de PRP), ou qui ne sont plus supportées par les essais contrôlés randomisés (par exemple la chirurgie par arthroscopie)8. Les praticiens traitant des patients avec des DFP devraient être encouragés à considérer soigneusement l’intérêt de demander un examen radiologique et devraient s’assurer que le patient a bien été informé sur la pertinence des changements structurels qui pourraient être mis en évidence.

“Les résultats d’imagerie doivent avoir un impact limité sur les choix de traitement dans la plupart des cas”

2 – 2 – Biomécanique

Des mesures cliniques pragmatiques telles que les squats sur une jambe ont été proposées pour détecter les déficits de mouvements9 et les altérations de la fonction neuromusculaire10. Cependant, l’impact clinique de cibler des changements de mécanique observée dans un squat à une jambe doit être discuté, puisque l’amélioration de cette tâche n’apportera pas forcément de changement de schémas de mouvements dans des tâches plus dynamiques telles que la course à pied11.

Pour améliorer la concordance des résultats avec la symptomatologie du patient, l’évaluation des mouvements fonctionnels devrait être réalisée lors des tâches pour lesquelles le patient rapporte les douleurs l’ayant conduit à consulter (par exemple la course à pied, sauter, réaliser des squats ou passer d’assis à debout). Le mouvement peut être comparé au côté asymptomatique ou moins symptomatique, et être intégré au sein du contexte global du patient. L’adoption de cette méthode d’évaluation permet la pondération appropriée des interventions visant à remédier à ces déficits. Intégrer des stratégies de modification de mouvement avec une approche « hands on », l’utilisation de tapping ou d’attelles, en permettant de jauger l’effet immédiat sur les symptômes du patient, offrent une appréciation utile de la force de l’association entre le déficit de mouvement identifié et la plainte du patient.

“l’évaluation des mouvements fonctionnels devrait être réalisée lors des tâches pour lesquelles le patient rapporte les douleurs l’ayant conduit à consulter”

2 – 3 – Volume, fréquence et intensité

La quantification du volume, de la fréquence et de l’intensité de charge que les individus imposent à leur articulation fémoro-patellaire doit faire partie intégrante de l’examen subjectif. L’interrogatoire devrait être dirigé vers l’entraînement du patient, ses activités et habitudes de jeu pour déterminer la part de ces variables dans le développement des symptômes et/ou leur persistance. De plus, des questions liées aux facteurs extrinsèques affectant la charge doivent aussi donner des indications, notamment l’influence des entraîneurs, parents, enseignants et l’environnement d’entraînement sur la possibilité pour le jeune patient de se reposer suffisamment et récupérer.

Ces facteurs pourraient être particulièrement importants chez certains adolescents, étant donnée la forte prévalence des DFP dans cette population (6,95% sur un échantillon de 2200 adolescents12) et l’absence habituelle de déficit de force associée13, ajouté au fait qu’ils sont souvent pleinement investis dans des activités sportives, et influencés par ceux qui s’occupent d’eux. De manière importante, l’éducation liée à la gestion de la charge a montré un effet positif sur les symptômes14 et une gestion des charges optimales et de progression a permis de réduire le risque de développer d’autres pathologies dans une population pratiquant plusieurs sports15. Par conséquent, il est essentiel de quantifier précisément la charge et de prendre en compte sa pertinence dans le développement des symptômes du patient pendant leur évaluation et le développement du plan de traitement.

“il est essentiel de quantifier précisément la charge et de prendre en compte sa pertinence dans le développement des symptômes du patient pendant leur évaluation et le développement du plan de traitement”

2 – 4 – Psychologie

La psychologie de l’individu est un facteur important de la persistance des symptômes dans un sous-groupe d’individus avec des DFP16. Pour certains, des comportements associés à des changements de psychologie pourraient représenter un vecteur de développement des symptômes (par exemple l’augmentation du volume d’entraînement pour gérer le stress ou la mauvaise humeur), mais ces hypothèses doivent encore être testées selon un design prospectif. L’inclusion d’évaluation de la santé psychologique à l’évaluation initiale chez les patients atteints de DFP (par exemple en utilisant l’Orebro Musculoskeletal Pain Questionnaire, le Hospital Anxiety and Depression Scale, le Tampa Scale for Kinesiophobia et/ou le Fear Avoidance Beliefs Questionnaire) peut offrir une vision utile des niveaux d’anxiété, peur ou de dépression associée avec les schémas de douleurs17. L’utilisation d’interventions spécialement destinées à ces marqueurs de santé psychologique chez les patients souffrant de DFP n’a pas été explorée18. Cependant, l’utilisation des thérapies cognitives et comportementales dans d’autres pathologies musculo-squelettiques persistantes telle que la lombalgie19 a montré son intérêt, ce qui peut indiquer qu’une approche similaire pourrait avoir un intérêt dans les DFP. La réorientation appropriée à un professionnel de la santé dûment qualifié (par exemple un psychologue) devrait être considérée si l’évaluation psychologique du patient le suggère. Des recherches ultérieures dans ce domaine sont requises avant que nous puissions fournir des recommandations claires sur l’intervention la plus appropriée.

“L’inclusion d’évaluation de la santé psychologique à l’évaluation initiale chez les patients atteints de DFP peut offrir une vision utile des niveaux d’anxiété, peur ou de dépression associée avec les schémas de douleurs”

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