Interview de Patrice Thiriet, responsable du projet Anatomie 3D Lyon 1, qui a pour objectif de faciliter l’enseignement et l’apprentissage de l’anatomie grâce à la technologie 3D.

Bonjour Patrice, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis passionné d’anatomie depuis mes études préparatoires au concours d’entrée à l’ENS* (Ecole Normale Supérieure) d’EPS pour devenir enseignant.

J’ai commencé à enseigner en France, mais, très vite, je suis parti en Algérie puis au Cameroun où j’ai enseigné l’anatomie à des étudiants en Sciences du Sport.  

De retour en France, j’ai été doyen de l’UFRSTAPS (Unité de Formation et de Recherche en Staps) pendant 10 ans (de 1995 à 2005).

Aujourd’hui, je suis enseignant d’anatomie à l’ISTR (Institut des Sciences et des Techniques de la Réadaptation) et responsable du projet Anatomie 3D à l’université Lyon 1. Je suis également membre du comité de projets de l’UNF3S (Université Numérique Francophone des Sciences de la Santé) et président de comité à l’HCERES (Haut Conseil de l’Evaluation et de la Recherche de l’Enseignement Supérieur).

C’est en observant que tous mes étudiants, quel que soit leur pays d’origine ou leur type d’études, connaissaient les mêmes difficultés pour comprendre les mêmes notions en anatomie que j’ai alors décidé de faire une thèse sur le sujet.

Les résultats de mes travaux de recherche ont abouti à la notion de prérequis. Et pour comprendre un cours d’anatomie, trois prérequis au moins sont nécessaires :

  1. La structuration de l’espace
  2. La bonne capacité à créer des images mentales
  3. La capacité à effectuer des rotations mentales

La solution était donc, dans un premier temps, de simplifier et modéliser l’anatomie. Plus tard, le projet Anatomie 3D m’a permis de pallier les difficultés de mes étudiants ne maîtrisant pas ces prérequis.

Comment a commencé l’aventure d’Anatomie 3D ?

J’ai toujours comparé le bassin à une bassine et, en cours magistral à l’université Lyon 1, j’avais l’habitude de découper une poubelle de l’amphithéâtre pour modéliser un bassin car c’est un des complexes osseux les plus difficiles. Les étudiants adoraient cet intermède d’arts plastiques, évidemment …

Et un jour, j’ai vu mon fils travailler sur un logiciel 3D et je lui ai demandé : “Dessine-moi une poubelle”. Une poubelle, et pas un mouton !

En deux minutes le tour était joué. J’avais devant mes yeux une image précise qui pouvait tourner dans les trois directions de l’espace. Ce fut le déclic. La modélisation 3D était LA solution pour faire comprendre l’anatomie à mes étudiants.

Imaginez l’efficacité d’une vidéo qui remplace les mots par des images et grâce à laquelle vous pouvez voir ce qui se passe sous la peau d’un corps en mouvement, et cela sous tous les angles !

Comment passe-t-on de “dessine-moi une poubelle” au projet Anatomie 3D tel qu’il est aujourd’hui ?

En 2005, j’ai postulé à un appel à projet innovant interne de l’université de Lyon pour réaliser des vidéos 3D.

L’université a accepté le projet et a recruté un infographiste et la première vidéo fut tellement réussie qu’elle nous sert de référence depuis onze ans.

Nous avons réalisé des vidéos destinées à des étudiants en STAPS mais qui se sont révélées utiles aux formations paramédicales, aux étudiants en médecine et à tous ceux qui s’intéressent à l’anatomie.

Les financements de l’UNF3S nous obligeant à mettre nos vidéos en accès libre, nous avons alors compris que notre projet pouvait avoir une audience bien plus grande en utilisant les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, nous couvrons quasiment 100% de l’appareil locomoteur et les vidéos sont utilisées par des publics variés et de nombreuses formations en STAPS, ergothérapie, kinésithérapie (11 instituts), etc, sollicitent l’autorisation d’utiliser nos ressources.

Ainsi, on compte 497 000 visiteurs uniques sur le site, plus de 6 millions de vues et 33 000 abonnés à notre chaîne Youtube francophone et 11 000 fans sur Facebook !

Quel est l’impact dans l’enseignement de l’utilisation de vidéos 3D ?

Les étudiants comprennent beaucoup mieux, au moins dans un premier temps, et l’anatomie n’est plus perçue comme une science complexe et théorique. L’utilisation de la 3D répond à leurs attentes. Ils sont motivés et savent qu’ils ont en face d’eux un enseignant prêt à innover.

Évidemment, cela modifie l’ingénierie pédagogique et le rôle de l’enseignant qui doit apporter une valeur ajoutée à la vidéo et favoriser l’assimilation des informations. En m’appuyant sur les vidéos, je peux insister et prévenir les incompréhensions des étudiants que j’ai l’habitude de constater après plus de … 40 ans d’expérience.

La méthode ne fait pas toujours l’unanimité. Certains pensent qu’une telle méthode peut conduire au chômage des enseignants mais … mes amphis sont toujours aussi pleins ! Et cette crainte montre bien que le potentiel de la 3D est réel !!

Qu’est-ce qui a permis à ce projet d’être là où il en est aujourd’hui ?

Nous avons eu la chance d’être soutenus financièrement dès le début par l’université Lyon 1 (http://www.univ-lyon1.fr/) qui a une vraie politique d’innovation, par la région Rhône-Alpes (http://www.rhonealpes.fr/) et par l’UNF3S (http://www.unf3s.org/) qui est notre principal financeur avec plus de 400 k€ de subventions.


Mais la clé de la réussite de ce projet c’est Olivier, l’infographiste qui réalise les vidéos depuis onze ans. Sans ses compétences et sa vision d’artiste, les vidéos n’auraient pas la portée qu’elles ont aujourd’hui. De plus, il possède une qualité exceptionnelle : il peut se mettre à la place à la fois de l’enseignant et de l’étudiant. Alix, notre deuxième infographiste qui réalise les vidéos de neuro-anatomie, possède également ces qualités.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Nous avons plusieurs projets de développement en perspective.

Tout d’abord, nous avons obtenu des financements pour trois vidéos consacrées à la main qui nous permettront de couvrir la totalité de l’appareil locomoteur et pour compléter certaines vidéos destinées aux formations paramédicales. Nous allons également traduire et sonoriser toutes nos vidéos pour répondre à la demande des internautes.

Ensuite, nous souhaitons créer du contenu destiné spécifiquement aux étudiants en masso-kinésithérapie et développer un projet de formation à distance validé par des crédits ECTS.  Ce projet très innovant a été testé avec succès cette année. Ces formations sont ensuite mises en accès libre sous la forme de MOOC.

Nous développerons également une “osthéothèque” par photogrammètrie et, enfin, nous continuerons à structurer des formations à l’impression 3D qui devrait révolutionner certaines pratiques, chez les ergothérapeutes notamment.

Merci beaucoup Patrice pour cette interview, et on suivra avec attention la suite de vos projets, toujours plus innovants tant du point de vue technique que pédagogique !

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