Bonjour Elodie, peux-tu te présenter brièvement s’il te plait ?
Je suis masseur kinésithérapeute, diplômée en 2010 à Besançon.
J’ai exercé 4 ans en France avant de partir exercer à Londres. Au cours de mon exercice en France, je m’étais spécialisée en rééducation pelvi périnéologie.
En Angleterre, les femmes n’ont pas de rééducation post natale. Les physiotherapists ne sont pas formés à cette méthode, c’est pourquoi les kinésithérapeutes français spécialisés dans ce domaine sont très recherchés. J’ai donc commencé dans un cabinet francophone spécialisé en périnatalité puis j’ai ensuite décidé de monter mon cabinet l’année dernière afin de pratiquer à ma façon.
Tu es spécialisée en rééducation périnéale, qu’est-ce que tu aimes dans ce domaine ?
Pour moi, la rééducation périnéale fait partie de la rééducation avec effet immédiat et important. C’est ce que j’aime beaucoup dans ce domaine !
De plus, les femmes sont très adhérentes au traitement car les symptômes (fuites urinaires, descente d’organe) sont vraiment désagréables donc elles veulent guérir le plus rapidement possible. Dans 70% des cas, les patientes font leurs exercices entre chaque séance et sont assidues !
Enfin, c’est un traitement global. Parfois une patiente vient pour descente d’organe et on commence à travailler sur ses pieds : cela demande une approche holistique, que j’adore !
Et petit bonus, dans le cas du post natal, les mamans sont sur la meilleure période de leur vie, avec un petit bout à nos côtés.
Dans 70% des cas, les patientes font leurs exercices et sont assidues !
Tu as donc une expérience du système français et du système anglais, quelles sont les principales différences selon toi ?
Il faut déjà préciser que le système Anglais n’est pas construit comme le nôtre. Il y a un milieu public et un milieu privé. La réalité de la physiothérapie dans les deux secteurs est très différente. Je travaille dans le secteur privé depuis que je suis en Angleterre.
L’accès aux soins
Le secteur public est complètement gratuit mais l’accès aux soins n’est pas facile : il est très difficile d’avoir un rdv (2 semaines à 1 mois pour un médecin, 3 à 4 mois pour un kiné). Et il faut vraiment avoir un problème pour obtenir une consultation : il n’y a pas de séance de kiné pour lombalgie chronique, entorse de chevilles, … et on ne consulte pas son médecin pour un simple rhume.
Le secteur privé, au contraire, est très cher et non remboursé sauf par des assurances privées (elles-mêmes très chères); c’est donc réservé à une partie “riche” de la population.
Il faut vraiment avoir un problème pour obtenir une consultation : il n’y a pas de séance de kiné pour lombalgie chronique, entorse de chevilles, …
La pratique et le nombre de séance
En Angleterre, les physiotherapists travaillent beaucoup en “hands off”, ce qui veut dire sans thérapie manuelle. Ils privilégient souvent l’auto rééducation et les exercices; et ce, pour 2 raisons :
- Premièrement, la physiothérapie est une science basée sur des preuves “evidence based” donc toutes leurs techniques doivent être démontrées. En France, grand nombre de nos techniques ne sont pas démontrées. On pratique beaucoup “ce qui marche”, basé sur le ressenti du soignant, sur l’expérience de la pratique…
- Deuxièmement, dans le milieu hospitalier, les praticiens sont en sous-effectif donc ils doivent suivre 4 patients simultanément; ce qui rend obligatoire la prise en charge multiple et l’autonomie des patients.
En plus, le nombre de séances par patients est très limité. Contrairement à la France, il n’y a jamais de prescriptions pour 10 séances ou plus.
Dans le public (où les séances sont gratuites) les patients ont maximum 3 séances, et une seule séance la plupart du temps,, uniquement pour que les exercices leur soient montrés.
Dans le privé, les séances sont payantes et remboursées seulement par des assurances, le traitement physio est dit de première intention. C’est à dire que le patient n’a pas besoin de passer par le médecin pour aller chez le physio. Le nombre de séances n’est donc pas limité mais la plupart du temps, les assurances privées ne remboursent pas plus que 5 séances, ce qui, de fait, limite le nombre de séances que font les patients.
La relation avec le médecin
Dans le public, le physiothérapeute est très peu considéré car il a peu de temps à passer avec le patient et est complètement dépendant de la prescription du médecin. Il peut poser des questions aux médecins mais a très peu d’autonomie et de marge de manoeuvre, ce qui ne rassure généralement pas le patient.
En revanche, le physiothérapeute privé en Angleterre, puisque consultable en première intention, est considéré comme un médecin. On l’appelle pour avoir un conseil, on lui demande tout
En revanche, le physiothérapeute privé en Angleterre, puisque consultable en première intention, est considéré comme un médecin.
ce qui est du ressort du médical. Bref, les patients ont une totale confiance dans leur physio.
Médecine et physiothérapie dans le secteur privé sont très liées… Le médecin privé conseille certains physiothérapeutes privés en lesquels il a toute confiance. Chaque “referral” s’accompagne d’une lettre expliquant tout ce que le médecin a fait, quels examens ont été réalisés, etc… En échange, le physio renvoie son bilan ainsi qu’un suivi des séances et une conclusion en fin de traitement. Médecin et physio s’appellent très régulièrement si le traitement n’évolue pas ou si le physio veut renvoyer le patient vers d’autres examens. Ces 2 professions agissent quasiment sur un pied d’égalité (on ne perçoit pas la hiérarchie médecin > physio).
Le bilan
Que ce soit privé ou public, le bilan est indispensable. Et un vrai ! L’équivalent de l’ordre des kinés en Angleterre oblige un bilan type pour chaque patient puis un suivi de notes à chaque séance. Ces notes doivent être faites directement après la séance et sont susceptibles d’être consultées et vérifiées à tout moment.
Et sur la rééducation périnéale en particulier, quelles sont les différences ?
En France, la rééducation pelvi-périnéale est bien intégrée au plan de soins. Même si, malheureusement, on revient dessus en post-natal, ce qui était une grande fierté et un modèle dans le monde entier. Les grands enjeux concernent plutôt les rééducateurs qui sont autorisés à effectuer cette rééducation et les différentes techniques.
En Angleterre par contre, la rééducation périnéale n’existe pas ou peu !
Le peu pratiqué par les physios anglais est très léger : beaucoup d’électrostimulation (voire souvent une machine d’électro prescrite à domicile), le pilates comme rééducation abdominale… Les fuites urinaires sont considérées comme normales pendant 18 mois post accouchement et la chirurgie type bandelette est très répandue (quasiment toujours en première intention).
L’enjeu est donc de taille ! Il faut intégrer la rééducation périnéale manuelle, le biofeedback, la posture, l’ hypopressif et la rééducation par le souffle (type abdo-mg).
D’où le travail de sensibilisation que l’on mène sur notre blog :
Que penses-tu des sondes connectées de rééducation périnéale que l’on voit apparaître de plus en plus ?
C’est une super idée […] Malheureusement, elles peuvent être très mal utilisées si aucune rééducation n’a été faite avec un thérapeute
La rééducation périnéale, comme dit plus haut, est très intéressante, de part le panel de techniques possibles. Les sondes sont une partie de nos techniques. Elles doivent être utilisées afin de rééduquer le périnée de façon fonctionnelle, dans la vie de tous les jours. L’avantage des nouvelles “ sans fil” est qu’elles permettent de travailler sur plan instable, en marchant, en portant… Ce qui est complètement physiologique.
Il existe depuis peu des sondes connectées à “petit budget” que les patientes peuvent acheter et utiliser à la maison. C’est une super idée, cela permet aux patientes d’avoir un feedback et de travailler seules à la maison entre les séances. Malheureusement, elles peuvent être très mal utilisées si aucune rééducation n’a été faite avec un thérapeute (utilisation d’autres muscles à la place du périnée). De plus, le travail du périnée est 20% de la rééducation, donc c’est un outil très pratique mais ce n’est clairement pas l’utilisation isolée de ces sondes qui permettra de rééduquer tous les problèmes urinaires.
J’ai accouché deux fois et personne m’a jamais parlé de rééducation de périnée jusqu’à ce que je rencontre un prof de pilates spécialisé postnatal! ça m’a beaucoup aidé mais je suis sur que avec les séances de kiné ça passerait encore mieux!
Salut Élodie, ton parcours m’intéresse et notamment ton installation dans un pays étranger.. en théorie notre diplôme d’état n’est pas reconnu dans les autres pays, comment as-tu fait? As-tu passer des équivalences? Des tests ?
J’aimerais éventuellement m’installer en Nouvelle-Zélande mais très peu de français on essaye (personne ces 5dernieres années) du coup je me dis que si je valide mon diplôme en Angleterre ça pourrait être plus facile pour la nz.
Bonsoir,
Pour les équivalences, elles existent pour tous les pays, juste elles sont plus ou moins compliquées. Pour le Royaume Uni, il faut regarder sur le site du HCPC, c’est l’organisation qui régule la kiné.
Il faut faire traduire les diplômes et les formations effectuées en France, faire des cas cliniques et en fonction de ton niveau un examen pratique et/ou un stage en clinique.