Le syndrome de stress tibial médial
Quelques mots sur l’auteur : Jules est un jeune diplômé passionné par la course à pied, et notamment le trail. Il s’est intéressé au syndrome de stress tibial médial pour son mémoire de fin d’études, et vous livre ici une synthèse de ses recherches.
Un grand bravo à lui pour son travail ! 😊👏
Le syndrome de stress tibial médial (SSTM), aussi appelé périostite ou en anglais “shin splints”, est une pathologie de surutilisation. Elle résulte de microtraumatismes répétitifs qui conduisent à des dommages tissulaires locaux, sous forme de dégénérescences cellulaire et extracellulaire. Elle est plus susceptible de se produire lors de changement de la charge d’entraînement. [1,2]
Le syndrome de stress tibial médial a un taux d’incidence de 13,6 à 20% chez les coureurs, ce qui en fait la pathologie la plus fréquente en course à pied. [3] Dans un premier temps, elle se manifeste par une douleur diffuse à l’effort sur le tiers inférieur du bord postéro-médial du tibia. En plus d’un temps de récupération relativement long (environ 3 mois), ce syndrome a un taux de récidive important. En effet, un patient ayant un antécédent de SSTM est 20 à 32,2 fois plus susceptible de développer de nouveau cette pathologie. [4,5]
Les étiologies
Elles ne font pas consensus.
Une première théorie s’intéresse à la traction mécanique des muscles de la loge postérieure de la jambe via les fibres de Sharpey, qui entraînerait l’apparition de microlésions au niveau de l’os cortical par une hyper traction. [1,6]
Une autre incrimine les courbures du tibia (dues aux forces musculaires qui s’y appliquent) et la force d’impact au sol lors de la course à pied, c’est la théorie des microtraumatismes osseux. [7,8]
Une troisième combine les deux précédentes avec une impossibilité de remodelage suffisant de l’os et une traction des fascias de la loge postérieure de la jambe qui entraîneraient une inflammation des fascias avoisinants. [1]
Un diagnostic clinique fiable
Cette pathologie peut être diagnostiquée avec une quasi parfaite fiabilité entre les praticiens, en se basant sur l’examen clinique et sur l’historique du patient. [9]
L’examen subjectif comprend des questions sur la localisation et l’apparition des douleurs :
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Douleur induite par l’exercice sur le tiers inférieur du tibia sur son bord postéro-médial
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Douleur non-focale qui s’étend sur plus de 5 cm.
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Douleur provoquée pendant et suite à une activité physique avec une diminution de la douleur lors d’un repos relatif.
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Un œdème léger est possible.
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Absence de crampe, brûlure, douleur dans le mollet, sensation d’aiguilles dans le pied.
L’examen objectif consiste en une palpation de la zone douloureuse provoquant une reproduction des symptômes du patient. S’il n’y a pas de douleur, si la zone douloureuse est inférieure à 5 cm ou si d’autres symptômes non typiques d’un SSTM sont présents, d’autres blessures doivent être envisagées.
L’objectif de ce diagnostic est d’exclure d’autres pathologies de symptomatologies proches telles que : la fracture de stress (avec notamment une douleur plus focale), le syndrome des loges à l’effort (sans douleur au repos et moins évidente sur le bord postéro-médial du tibia), une compression nerveuse (avec des douleurs plutôt neuropathiques : paresthésie, dysesthésie, hyperalgésie) ou encore le piégeage de l’artère poplité (avec par exemple des crampes).
Aux vues du taux d’incidence et du taux de récidive relativement important, la prise en compte des facteurs de risques semble être une piste à envisager.
Les facteurs de risques
En croisant les résultats de trois revues systématiques avec méta analyse, il est possible de déterminer les facteurs de risques les plus pertinents. [10–12]
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Une augmentation du Navicular drop
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Une augmentation de flexion plantaire de cheville
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Une augmentation de rotation externe de hanche
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Une augmentation de l’IMC
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Le sexe féminin
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Un antécédent de syndrome de stress tibial médial
La connaissance des facteurs de risques permet une meilleure détection de ce syndrome. Garnock et al. (2018) montrent que la combinaison de sexe féminin, d’un antécédent de syndrome de stress tibial médial et d’une grande amplitude de rotation externe de hanche est un modèle solide et précis (Dont les ratios de vraisemblance positifs Rv+=5.13 et négatifs Rv-=0.21 sont bons) pour prédire le risque d’un futur syndrome de stress tibial médial. [5]
La stratégie de traitement
De nombreux traitements ont été étudiés pour traiter cette pathologie : repos, massage, glace, onde de choc, exercices d’étirement et de renforcement, programmes de course progressifs, modification du schéma de marche, chevillière, thérapies par injection, etc. Cependant, ces thérapies n’ont pas pu démontrer un réel effet thérapeutique. Le traitement de cette pathologie se base donc sur des recommandations à faible niveau de preuve. [13]
Education et gestion de la charge d’entraînement
Le syndrome de stress tibial médial est intrinsèquement lié à la charge d’entraînement et, principalement, à ses variations. La récupération de ce syndrome est relativement longue, environ 90 jours, et il présente un taux de récidive qui est élevé. L’intensité et la présence de la douleur semblent très variables en fonction des patients. Une compréhension de sa pathologie et de la gestion de la charge d’entraînement par le patient est primordiale dans son traitement. Avoir une variation de charge d’entraînement progressive, avec une augmentation inférieure à 10% par rapport à la semaine précédente, semble être une bonne ligne directrice pour mettre en charge progressivement les tissus des patients. [14,15] Chaque individu a une capacité d’adaptation et des conditions environnementales qui lui sont propres et, c’est là tout le rôle du kinésithérapeute de pouvoir s’adapter à chaque patient et de lui enseigner comment gérer sa pathologie.
La biomécanique de course
Lors de l’analyse de la biomécanique de course à pied, on s’aperçoit que certaines composantes ont de possibles liens avec cette pathologie.
La cadence semble être une caractéristique intéressante à prendre en compte. Plusieurs revues systématiques ont déjà fait un lien entre le taux de chargement vertical et les fractures de stress. [16,17] Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur un éventuel continuum entre un syndrome de stress tibial médial et les fractures de stress, elles ont tout de même quelques points communs : microfissures dans l’os cortical, modification de l’ostéodensitométrie osseuse ou encore altération de la géométrie osseuse corticale. [7,18–20] Une augmentation de la cadence (tendre vers 180 ppm ou une augmentation de 15%) permet la diminution du pic d’impact vertical, du taux de chargement instantané et du taux de chargement vertical moyen. [21]
Pour ce qui est des différentes attaques de pied, il est possible de les mettre en lien avec les différentes étiologies. Une attaque avec le talon générera une plus grande vitesse de forces d’impacts sur cette zone en comparaison à une attaque avant ou médio-pied. Il est possible que cela ait un lien avec l’étiologie des micro lésions.
En revanche, une attaque avant-pied pourrait entraîner rapidement une sur-sollicitation des muscles de la loge postérieure de la jambe (notamment le soléaire, le tibial postérieur, le long fléchisseur des orteils ou de l’hallux) entraînant une souffrance de leurs insertions au niveau du périoste, rejoignant plutôt la deuxième étiologie dite de traction musculaire. Une attaque médio-pied pourrait être un intermédiaire intéressant car elle diminuerait la force de réaction du sol verticale lors de l’attaque du pied, par rapport à une attaque talon, sans pour autant augmenter la force générée par l’activité musculaire lors de la propulsion. [22]
Il n’est pas encore établi que ces deux composantes soient la cause d’un syndrome de stress tibial médial. Il semble tout de même pertinent que celles-ci soient prises en compte dans la prise en charge de cette pathologie. [21,23]
Chargement progressif
Bien que les preuves soient limitées sur les étiologies, il est toutefois admis qu’il existe une souffrance osseuse et une fasciopathie crurale. Ces tissus répondent favorablement à un chargement progressif. La charge favorise le remodelage osseux, une diminution de la douleur, et la stimulation des propriétés mécaniques des fascias au travers d’exercices à charges lourdes et vitesses lentes (heavy slow load exercices). Des exercices chargeant progressivement le tibia et des exercices de renforcement des muscles postérieurs de la jambe semblent être une stratégie de traitement pertinente pour ce syndrome. [15,23]
Les différents facteurs de risques vus plus haut sont aussi de possibles pistes pour la prise en charge de cette pathologie. [23]
Par exemple :
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des exercices de renforcement des muscles fléchisseurs dorsaux comme le tibial antérieur,
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des exercices de renforcement des muscles intrinsèques du pied,
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des exercices de renforcement et de stabilisation de la hanche et du bassin
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la gestion des charges ajoutées lors d’un sport
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ou encore une prise en charge du poids
sont des solutions qui peuvent être imaginées pour la gestion d’un syndrome de stress tibial médial. [24]
Ce chargement progressif doit respecter une règle de « non douleur ». Une gêne peut être tolérée en essayant de ne pas dépasser 2/10 à l’aide de l’échelle numérique de la douleur (vous pouvez suivre très facilement l’évolution de l’EVA avec Kobus). Celle-ci peut aussi être gérée à l’aide de tape, massage, étirement, etc.
Conclusion
Le syndrome de stress tibial médial est une pathologie complexe, son étiologie ne fait toujours pas consensus, et aucun traitement n’a, à l’heure actuelle, pu démontrer un réel effet thérapeutique. Après un diagnostic clinique, il existe tout de même des pistes de traitements comme le travail de la foulée, la gestion de la charge d’entraînement, des exercices plus ciblés et l’éducation du patient, qui devront être adaptés aux particularités de chacun. Et bien que les traitements n’aient pu encore prouver leur efficacité, s’ils permettent aux patients de diminuer leurs douleurs et d’augmenter leurs capacités fonctionnelles, alors ils sont intéressants, mais pour cela il faut évaluer régulièrement leurs effets #ViveKobus.
Maintenant que Jules vous a bien tout expliqué, on espère que vous serez incollables sur le syndrôme de stress tibial médial ! 😉
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Ressources
- [1] Franlyn M, Oakes B. Aetiology and mechanisms of injury in medial tibial stress syndrome: Current and future developments n.d;6;14.
- [2] Wilder RP, Sethi S. Overuse injuries: tendinopathies, stress fractures, compartment syndrome, and shin splints. Clinics in Sports Medicine 2004;23:55–81. https://doi.org/10.1016/S0278-5919(03)00085-1.
- [3] Lopes AD, Junior LCH, Yeung SS, Costa LOP. What are the Main Running-Related Musculoskeletal Injuries? Sports Med 2012:15.
- [4] Moen MH, Holtslag L, Bakker E, Barten C, Weir A, Tol JL, et al. The treatment of medial tibial stress syndrome in athletes; a randomized clinical trial. BMC Sports Sci Med Rehabil 2012;4:12. https://doi.org/10.1186/1758-2555-4-12.
- [5] Garnock C, Witchalls J, Newman P. Predicting individual risk for medial tibial stress syndrome in navy recruits. Journal of Science and Medicine in Sport 2018;21:586–90. https://doi.org/10.1016/j.jsams.2017.10.020.
- [6] Bouché RT, Johnson CH. Medial Tibial Stress Syndrome (Tibial Fasciitis): A Proposed Pathomechanical Model Involving Fascial Traction. Journal of the American Podiatric Medical Association 2007;97:31–6. https://doi.org/10.7547/0970031.
- [7] Franklyn M, Oakes B, Field B, Wells P, Morgan D. Section Modulus is the Optimum Geometric Predictor for Stress Fractures and Medial Tibial Stress Syndrome in both Male and Female Athletes. Am J Sports Med 2008;36:1179–89. https://doi.org/10.1177/0363546508314408.
- [8] Magnusson HI, Ahlborg HG, Karlsson C, Nyquist F, Karlsson MK. Low Regional Tibial Bone Density in Athletes with Medial Tibial Stress Syndrome Normalizes after Recovery from Symptoms. Am J Sports Med 2003;31:596–600. https://doi.org/10.1177/03635465030310042001.
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- [24] Winkelmann ZK, Anderson D, Games KE, Eberman LE. Risk Factors for Medial Tibial Stress Syndrome in Active Individuals: An Evidence-Based Review. Journal of Athletic Training 2016;51:4.