EPISODE 1 : Le Kiné de Demain ?

Claire Marsal, Alexandre Perez et Francis Laurent, 3 kinés, ont partagé avec nous leur vision de la kiné et de ses évolutions. 

Comment exercera le kiné de demain selon vous ?

Claire : Il sera beaucoup plus comme un coach qui encadre et accompagne les patients qui doivent devenir plus acteurs de leur rééducation.

J’imagine des centres de kiné comme de grandes salles de sport avec des séances de groupes et des séances individuelles. Les patients atteints de maladies chroniques pourront s’approprier le lieu, venir suivre le protocole et faire leurs exercices dans cette salle, sous la supervision du kiné mais en étant plus actif.

Alexandre : Je pense que le système de santé évolue pour remettre le patient au centre de la prise en charge. Dans ce cadre, le kinésithérapeute peut, et devrait, à mes yeux avoir un rôle de coordinateur et d’accompagnement du patient dans le parcours de soin, au même titre que le médecin généraliste car tous deux suivent le patient tout au long de sa vie et sont en relation avec beaucoup d’autres spécialistes qui traitent le patient. De plus, le kinésithérapeute doit endosser un rôle d’éducateur en santé pour contribuer à rendre le patient acteur de sa santé !

Francis : Je crois également que les patients doivent être acteurs et impliqués dans leur rééducation et pour cela, il faut accepter le côté pédagogique du métier de kiné et non purement thérapeutique. C’est particulièrement vrai en neurologie où généralement, on ne guérit pas les patients mais on les aide à améliorer leur quotidien et à limiter l’aggravation de leur pathologie !

Et la relation patient-kiné va-t-elle évoluer ?

Claire : Elle sera beaucoup plus forte mais moins physique ; On n’est pas obligé de toucher automatiquement et dès le début de la séance son patient !

Je crois beaucoup au concept d’auto-rééducation guidée par le kiné développé par le professeur Gracies avec lequel je vais faire une thèse (http://bambou-a-vivre.fr/pr%C3%A9sentation-professeur-gracies):  le patient suit un protocole que lui a conseillé le kiné et travaille sa rééducation en partie chez lui.  Il vient chez le kiné moins fréquemment mais toujours régulièrement, pour des séances plus longues (une heure) au cours desquelles ils font le point ensemble et le kiné le mobilise si besoin. Le reste du temps, le patient et le kiné peuvent interagir et surtout le patient envoie un rapport de son activité et de ses résultats pour que le kiné puisse suivre à distance son évolution et l’orienter.

Mais pour cela, il faut des outils de communication et de suivi adaptés :  on en parle dans le prochaine épisode 

Alexandre : A l’image la méthode McKenzie, je crois beaucoup à l’inversion du management thérapeutique : c’est-à-dire autonomiser le patient (le rendre acteur ou « actient »), en lui expliquant sa pathologie et les outils dont il dispose pour améliorer son état et ensuite seulement, apporter un traitement plus passif (notamment grâce à la mobilisation par le kiné). En effet, si le kinésithérapeute touche automatiquement son patient, ce dernier peut plus difficilement devenir acteur et moteur de sa rééducation. En couplant cette attitude avec de l’éducation thérapeutique, la relation patient-kiné peut être moins descendante et beaucoup plus efficace pour la prise en charge.

Francis :  Je pense qu’il ne faut pas oublier que le relation kiné-patient est très conditionnée par le niveau de remboursement proposé par la sécurité sociale : si ce niveau baisse, les rapports risquent de changer.

C’est valable dans tous les cas ?

Claire : Cette nouvelle façon de pratiquer la kiné peut très souvent s’appliquer mais évidemment il y a des exceptions, comme les patients avec des déficits sévères ou qui ne peuvent pas se déplacer, par exemple les personnes âgées à domicile. Dans ce cas, l’intervention des kinés relève plus de la psychologie et de l’aide à domicile mais elle est finalement cruciale pour ces patients et pour le système de santé (cela évite que ces gens soient hospitalisés parce qu’ils ne peuvent pas se prendre en charge seuls).

Francis :  Le concept d’auto-rééducation et de patients acteurs sont pertinents pour les patients qui sont autonomes. Or, en neuro, il y a beaucoup de patients qui ne peuvent pas se déplacer seuls (ou ont trop peur pour le faire) ou n’ont pas toutes leurs capacités fonctionnelles. Pour ces derniers, les séances présentielles avec les kinés sont nécessaires.

Comment le kiné va-t-il évoluer par rapport aux autres professionnels comme les ostéopathes ou APA ?

Francis : Aujourd’hui, le positionnement des kinés est effectivement compliqué avec l’apparition d’autres professionnels dans la sphère de la rééducation et les kinés cherchent donc souvent à se spécialiser ou à se diversifier.

Certaines spécialités sont très pertinentes et ont « bien pris » comme la pédiatrie ou la kiné respi. En revanche, nous ne sommes pas formés à soigner les patients « valides ». Les kinés en stage ont été formé à soigner des patients relevant de pathologies traumatiques, neurologiques, rhumatologiques, ou respiratoires sévères. Ils n’ont pas été habitués à soigner des pathologies plus bénignes et peuvent être désarçonnées par des demandes de patients qui leur paraisse parfois relever de la « bobologie ».  Les ostéopathes qui se sont essentiellement formés au soin de personnes bien portante sont plus habitués à recueillir ce type de plaintes.

Claire : En l’état actuel des choses, l’ostéopathie me semble peu compatible avec la perspective d’un patient acteur de sa rééducation, contrairement à la kinésithérapie. C’est pourquoi je pense que les kinés ont un rôle important pour promouvoir cet accompagnement des patients.

En ville, les APA peuvent prendre le relais ou compléter la rééducation en proposant des activités physiques aux patients. Mais pour cela, il est fondamental que les infrastructures municipales s’adaptent pour pouvoir accueillir des personnes en situation de handicap.

Alexandre : Je pense qu’il faut arrêter les guéguerres inutiles et plutôt se concentrer sur la collaboration entre les différents professionnels. Selon moi, le travail pluridisciplinaire centré sur le patient est l’avenir de la santé. Il me parait indispensable que les kinés se spécialisent et cela de façon officielle (c’est en bonne voie – on en parle dans le prochain épisode !) pour pouvoir pleinement participer à cette interdisciplinarité et en devenir des acteurs majeurs ; plutôt que de chercher à être en compétition avec d’autres professions !

Le kiné dans son cabinet change mais quid de la profession dans sa globalité ? La réponse dans le prochain épisode mercredi !

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