L’efficience de la marche fonctionnelle du patient blessé médullaire incomplet : une réalité en kinésithérapie ?

• Par Vincent Lasnel

Je suis Vincent LASNEL diplômé d’état de kinésithérapie 2020 à Dijon, actuellement en exercice à Nyon. Mon attrait pour les avancées technologiques et l’évolution perpétuelle des connaissances m’ont poussé à réaliser un stage de recherche dans l’équipe internationale Stimulation Movement Overground (STIMO) [1] de l’école polytechnique de Lausanne (EPFL). Ces chercheurs travaillent sur la marche des patients blessés médullaires dans les locaux du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). C’est dans cette équipe que j’ai pu mettre en application mon travail de fin d’études. Ce travail a été rendu 1 mois avant le début de mon clinicat.

La marche se définit par une alternance de phases d’appui et d’oscillation, elle est acquise dès les premiers mois de notre existence nous offrant une autonomie d’exploration du monde inégalable. Cette liberté peut être de nouveau atteinte malgré différentes affections dont, en neurologie, la Blessure Médullaire (BM). La BM intervient dans 80 % des cas de manière traumatique (AVP, chute, sports, etc.), et dans plus de 50 % des cas chez une population jeune (< 30 ans). L’atteinte peut être complète, correspondant à une lésion totale des différents contingents de la moelle, ou incomplète où différentes fonctions subsistent. On utilise alors les suffixes -parésie et -plégie évoquant respectivement les contingents sensitifs et moteurs.

Aujourd’hui, l’altération de la commande motrice de la marche lors d’une blessure médullaire n’est pas inéluctable. Et ce, surtout lorsque la lésion est incomplète. Néanmoins, les mouvements persistants rendent la marche lente et coûteuse en énergie. 

L’efficience motrice d’un mouvement correspond au moindre coût énergétique pour sa réalisation. Chaque mouvement, est permis par des réseaux neuronaux proactifs et rétroactifs. Dans le premier cas (proactif), le corps se prépare aux déséquilibres engendrés par le mouvement à venir. Cette anticipation est garante de l’équilibre grâce aux afférences visuelles, vestibulaires et proprioceptives. Elle correspond aux ajustements posturaux nécessaire à la locomotion. Le second cas (rétroactif), intervient lorsque le mouvement a débuté pour s’adapter aux déséquilibres non anticipés. Cette composante est permise par les afférences somatosensorielles informant le cerveau qui déclenchent les adaptations nécessaires à l’objectif moteur primaire [2].

Ainsi, les programmes moteurs de la moelle épinière interviennent dans l’exécution motrice de la marche, mais aussi dans la stabilité posturale. Ces deux fonctions peuvent être inégalement défectueuses lors de la BM. 

En kinésithérapie, le professionnel facilite, accompagne et oriente les progrès du patient. Lors de la prise en charge en phase évolutive, les traitements ont deux objectifs : entretenir et maintenir le contrôle moteur.
Les objectifs de rééducation se doivent d’être réalistes, et de correspondre à la clinique et à la volonté du patient.
Cette approche thérapeutique rend le patient acteur de ses soins, et l’accompagne dans sa récupération motrice tout en contrôlant le coût métabolique. Cela rend la marche plus fonctionnelle et efficiente au quotidien. L’apprentissage par erreur induite va aller dans ce sens, tout comme la sollicitation intensive de l’organisme. Ce dernier va alors, de façon physiologique, s’adapter en choisissant une voie effectrice plus directe et moins coûteuse.

Pour une prise en charge en cohérence avec les institutions, il est nécessaire pour le kinésithérapeute libéral d’évaluer le patient. Ici, il est important de prendre en compte la variabilité des paramètres de marche d’un même patient et non de comparer à des valeurs moyennes. Le WISCI II et le SCI-FAI évalue qualitativement la marche. La première, sur 20 points, évalue les aides nécessaires pour parcourir 10 mètres, alors que la seconde évalue ces aides dans 9 items. Quantitativement, la vitesse par le test de marche des 10 mètres, l’endurance pendant 2, 4 ou 6 minutes en fonction des capacités du patient et l’équilibre dynamique par le TUG test sont aussi à mesurer. En effet, la vitesse et l’endurance sont en lien direct avec la dépense énergétique qui s’impose au patient [3,4].

Quant à eux, les PST de marche ne sont pas à rééduquer de façon analytique. Les thérapeutes rechercheront plutôt des objectifs fonctionnels au quotidien. La prise de conscience des afférences sensitives est encouragée pour majorer la plasticité médullaire et stimuler les adaptations de l’organisme.
Concrètement, dans un but de diminution du coût énergétique, l’application de résistance aux mouvements peut faciliter les afférences sensitives en plus de l’attention visuelle et proprioceptive [5].

Conclusion

Ainsi, rechercher la stimulation de la proprioception est recommandable pour solliciter la plasticité du corps, tout en diminuant le métabolisme énergétique. Pour ce faire, on peut proposer l’application d’une résistance au mouvement pour stimuler la motricité ainsi que le recrutement des fibres musculaires. Conjointement, un feedback sensoriel (visuel) qualitatif de l’action motrice permet de moduler l’action et la posture du patient.

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Ressources

[1] Une neurotechnologie révolutionnaire pour traiter la paralysie. EPFL. EPFL – Ecole Polytechnique Fédéral de Lausanne. https://actu.epfl.ch/news/une-neurotechnologie-revolutionnaire-pour-traiter-/. (2018. cité le 25 octobre 2020)

[2] Delafontaine A. Locomotion humaine : marche, course: Bases fondamentales, évaluation clinique et applications thérapeutiques de l’enfant à l’adulte. Elsevier Masson, 2018.

[3] Harvey L. Management of Spinal Cord Injuries E-Book: A Guide for Physiotherapists. Elsevier. Elsevier Health Sciences, 2008.

[4] Vosloo J, Ntsiea MV, Becker P. The energy expenditure of people with spinal cord injury whilst walking compared to an able-bodied population. S Afr J Physiother, 2016; 72: 255.

[5] Lam T, Wirz M, Lünenburger L, et Dietz V. Swing phase resistance enhances flexor muscle activity during treadmill locomotion in incomplete spinal cord injury. Neurorehabil Neural Repair, 2008; 22: 438–446.

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