par Benjamin Heng, MKDE et blogueur à ses heures perdues

Préambule

Je vous ai traduit toute une série d’articles vantant les mérites de l’exercice, et notamment de l’isométrie. Vous l’aurez sûrement deviné, je fais partie des kinés qui donnent des exercices à leurs patients.
Vous vous en doutez, ce n’est pas toujours la joie : une récente étude de l’AFMCK nous indique que (chez des kinés formés à la prescription d’exercice), 52,9 % des patients ont déclaré avoir fait au moins 75 % des exercices demandés !
Imaginez-moi à la sortie de l’école ! Je donnais systématiquement des programmes d’exercices complets à mes patients : facilement trois, quatre exercices dès la première séance avant de compléter aux suivantes.
Puis, vous vous en doutez, au vu de la faible adhésion j’ai lâché l’affaire quelque temps. Mais j’y suis assez vite revenu, avec plusieurs angles d’attaque que je souhaiterais partager avec vous.
Si je n’ai pas pu trouver de sources précises (mea culpa) pour chaque item, je sais que j’ai été très influencé par mes lectures et mes écoutes de Ben Cormak, Adam Meakins, David Butler et Lorimer Moseley, mais aussi par des frenchies (Cocorico !) comme Frédéric Srour, Anthony Halimi ou Rémy Olier.
Évidemment, tous ces petits trucs ne remplaceront probablement pas une vraie formation sur le sujet, par exemple l’entretien motivationnel ou ce que propose Guillaume Deville avec l’agence EBP (#pub) !

Conseil n° 1 : Donnez des exercices qui ont du sens

Expliquons à nos patients le pourquoi de l’exercice : quel muscle travaille (par exemple), comment, quel est son intérêt dans le cadre de sa pathologie ? Évidemment, il faut s’adapter à ce que le patient peut comprendre (en fonction de son niveau de connaissance ?) et de ce qu’il a envie de savoir.

Ainsi nos patients voient que nous savons pourquoi nous leur donnons l’exercice, et que ce n’est pas un bête protocole que nous reproduisons à l’aveugle. Et si le patient voit que nous croyons à notre traitement, il marchera mieux (voir l’expérience de Steward Wolf).
N’hésitez pas à intégrer les attentes des patients à ce moment-là : rappeler l’avantage esthétique procuré par un bon transverse suscite souvent un fort intérêt pour les exercices associés (en tout cas, quand on habite en bord de mer) !

 

Conseil n° 2 : Prenez en compte les attentes des patients.

Il découle un peu du précédent. Rappelez-vous l’article de Ben Cormack sur la lombalgie  : on n’est souvent pas aussi spécifique qu’on aimerait le croire. Essayez de prendre en compte les attentes de votre patient et de lui donner un exercice qui ait du sens pour lui. L’exercice médicament en est un superbe exemple, mais si votre patient est fan de yoga, ça pourrait être sympa de lui trouver une posture pour bosser sur son problème non ?

Conseil n° 3 : trouvez un exercice-médicament.

Vous vous demandiez ce que c’était il y a une minute hein ? Si les patients constatent l’efficacité des exercices, ils seront plus enclins à les faire. Si vous trouvez un exercice (n’importe lequel) qui diminue les douleurs, foncez ! ?

Non seulement, il y a de grandes chances qu’ils pensent à le faire lorsqu’ils auront mal et donc, que l’exercice soit effectivement pratiqué, mais vous allez leur prouver que l’exercice est effectivement utile pour eux, et ça les motivera pour la suite. Vous allez aussi leur donner du contrôle sur leur maladie (excellent objectif dans un modèle biopsychosocial), mais aussi leur donner confiance pour faire les autres exercices.

En effet, si jamais ils débouchent sur une exacerbation des douleurs, ils n’auront qu’à revenir à leur classique « exercice-médicament » pour les faire passer !

Conseil n° 4 : limitez le nombre d’exercices.

Partez avec un ou deux exos maximum ? et n’en rajoutez pas plus de deux pour les séances suivantes. Idéalement, je partirais sur +1 exercice par séance, et jamais plus de dix exercices.

Trop d’exercices, c’est prendre deux risques principaux :
– noyer le patient sous une masse de travail inenvisageable.
– Le voir mélanger et mal faire les exercices.

L’un comme l’autre risque de conduire à des exercices pas, ou mal faits… mieux vaut peu d’exercices bien faits que beaucoup d’exercices non faits ! Les bons exercices sont les exercices réalisés !

Conseil n° 5 : commencez avec des exercices super simples (basiques).

Pour plein de raisons, nos patients pourront avoir du mal à retenir les exercices (saviez-vous que la douleur chronique agit sur la mémoire ?). Commencez par des trucs simples et vérifiez qu’ils sont acquis avant de renvoyer votre patient chez lui.

Nos amis anglophones (dont Adam Meakins) ont un petit acronyme pour ça : KISS ? (keep it simple stupid : reste simple et idiot).
Ça bataillait ferme chez les relecteurs pour savoir si Orelsan valait mieux que Meakins pour faire passer le message : choisissez votre préféré !

Le principal c’est de réfléchir simplement. Pourquoi donner un exercice difficile, nécessitant du matériel coûteux avec des consignes complexes quand quelque chose de beaucoup plus simple peut produire exactement les mêmes résultats ? Une fois les bases acquises, vous aurez tout le loisir de jouer sur ces différents paramètres en fonction des envies et des besoins du patient.

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Conseil n° 6 : planifiez la séance d’exercices ensemble.

Réfléchissons déjà avec nos patients à quand ils feront leurs exercices. Sont-ils plutôt du matin ? Ont-ils une grande pause à midi ? Faites leur réfléchir à comment intégrer au mieux leur autotraitement dans leur quotidien.
Une petite astuce facile peut être de lier un exercice à une AVQ : l’exercice « brosse à dents » (qu’on fait avant, après ou pendant le brossage) ou l’exercice « feu rouge ».

Toujours dans l’idée d’exploiter les associations, ils peuvent se créer des petites injonctions « je n’ai pas le droit de boire mon café tant que je n’ai pas fait mes exercices » par exemple.  

Visez la simplicité ? : si les exercices doivent se faire allongé, prévoyez-les au lever ou au coucher, ça évitera de devoir trouver un moment pour retourner s’allonger dans la journée.

Conseil n° 7 : utilisez des exercices invisibles.

Ce sont les petits exercices qu’on peut faire en très courte série, tout au long de la journée. Dans la salle d’attente, au feu rouge, aux caisses du supermarché. Comme ils demandent un faible investissement, ils seront facilement faits. Et s’ils apportent les bénéfices attendus, le « vrai » travail sera abordé plus facilement.

 

Conseil n° 8 : marchandez avec le hands on.

OK, si c’est le dernier conseil, c’est aussi parce que c’est le plus mauvais (et le plus risqué). Si vos patients n’ont pas fait leurs exercices, faites leur faire plutôt que d’utiliser vos techniques manuelles qui leur font tellement de bien transitoirement (désolé :D). Dans leur intérêt (comme dans celui de la sécu), il vaut mieux privilégier le long terme et les preuves suggèrent que c’est l’exercice qui a les meilleures chances d’y arriver. D’un autre côté, ils feront peut-être en sorte d’avoir leur (petit) massage la prochaine fois ?

Je cultive quand même ma relation soignant-soigné : le but n’est pas que le patient commence à pipoter pour arriver à ses fins !

Malgré tous vos efforts, vos patients vont sûrement revenir comme les miens, sans avoir faits leurs exercices.
Petite étude des excuses, mais aussi de comment y répondre pour que vraiment, vos patients fassent leurs exercices.
#spoileralert : vous allez souvent demander « pourquoi? ».  Arrêtez-vous avant que les patients ne menacent votre intégrité physique !

Excuse n° 1 : j’y ai pas pensé.

Très bien. Réfléchissez ensemble à ce qui aurait pu les y faire penser : une alarme sur le téléphone ou l’écran de verrouillage, un post-it sur le miroir de la salle de bain, un SMS de rappel (oui, je l’ai déjà fait, il y a des cas qui vous prennent aux tripes vous aussi)… ?

Ensuite, mettez cette stratégie en place. En cas d’échec, recommencez autant que nécessaire. Ça m’est déjà arrivé de demander aux patients de régler une alarme, sous mes yeux, avant de quitter le cabinet (évidemment, on reste sur du consentement éclairé, on ne le fait pas n’importe quand avec n’importe qui, merci).

Excuse n° 2 : j’ai pas eu le temps.

Vous avez peut-être été trop gourmand sur la masse d’exercices. Revoyez ensemble le programme, et quantifiez-le ensemble. Si ça n’est pas possible, chronométrez-le sur-le-champ ! Mettez la durée du programme en parallèle avec les 1440 minutes de leur journée. Ensuite, reprenez le conseil n° 6. Voyez à quel moment de leur journée il est effectivement possible de glisser ces quelques minutes d’exercices. Et si votre programme est trop long, taillez dans le gras et revenez aux essentiels. ?

Excuse n° 3 : je suis pas motivé.

Là, il faut analyser le pourquoi. Listez ensemble avec le patient les bénéfices attendus des exercices. Essayez de les lier avec ce qui est important pour lui, dans les effets primaires et secondaires : effet sur la douleur et sur la fonction, certes, mais aussi sur l’esthétique, sur le sommeil, sur la dépression…

Voyez pour faire quelque chose de plus fun ! Si votre patient aime le challenge, trouvez-lui un truc bien dur, ou mettez-le au défi de vous battre ?

Une de mes patientes a téléchargé une application (Habitica) pour « gamifier » sa rééduc : elle prend des niveaux et gagne des pièces d’or quand elle fait ses exercices. Elle a plus de 40 ans et ça marche très bien pour elle !

Avec d’autres, je passe des contrats écrits, voir on se contente de toper !

À vous de vous adapter à chacun de vos patients et d’aller le rencontrer là où il est, comme il est.

Tant pis si ce n’est pas le meilleur exercice qui reste : rappelez-vous qu’un exercice passable, mais fait, est plus efficace qu’un super exercice pas fait. ?

Excuse n° 4 : je ne suis pas équipé.

Ce coup-ci mon p’tit père, c’est ta faute ! ? À vous de voir avec votre patient dès le début quel matériel il a à disposition, et combien il est prêt à investir dedans. On fait d’excellents exercices avec le poids de corps et si nécessaire, des bouteilles d’eau ou un pack de lait peuvent tout à fait faire des haltères de fortunes.

Excuse n° 5 : j’ai eu peur de mal faire/je ne m’en suis plus rappelé

OK, votre patient n’est pas téméraire. Lui avez vous donnez des exercices vraiment simples pour démarrer ? ? Si oui, il va falloir l’aider avec un support matériel.

Proposez-lui de le filmer avec son téléphone, pour qu’il ait la vidéo. Ou prenez le temps ensemble de dessiner quelques exercices sur une feuille. Vérifiez que les consignes rédigées lui parlent, qu’il les comprend. Proposez-lui de choisir le nom des exercices pour qu’il choisisse quelque chose qui a du sens pour lui.

Tout ce qui peut guider sa mémoire est bon à prendre.

Excuse n° 6 : j’ai perdu ma feuille d’exercice.

Ça commence à puer la mauvaise foi. Trouvez-lui un exercice super simple ?, et refaites-lui une feuille au cas où ! Vous pouvez aussi reproposer les alternatives : lui donner des liens YouTube vers les exercices que vous avez choisi, ou le filmer/photographier avec son smartphone par exemple.

Excuse n° 7 : j’ai eu peur de me faire mal.

Aie ! En plus, le patient vous sort ça alors que vous lui avez donné un exercice médicament, c’est sûr !

Je vous conseillerai de questionner très directement et très simplement sur le pourquoi de cette peur. Peut-être est-ce le moment de faire un peu d’éducation aux neurosciences de la douleur, ou de parler des suites possibles de la maladie ?

Il est parfois difficile pour les gens à qui on a interdit toute leur vie de se pencher en avant de comprendre que leur préférence directionnelle en flexion n’est pas un problème. Mettez-vous à leur place : imaginez qu’on vous dise que la thérapie manuelle ne sert à rien !

Cherchez à comprendre sans juger, et réexpliquez encore une fois.

En résumé

Certes, tout ce travail prend du temps. Temps que nous ne passons pas avec les patients à faire des exercices ou à appliquer de la thérapie manuelle. Cela dit, ils en ont autant conscience que nous et commenceront peut-être à faire en sorte de ne pas perdre plusieurs minutes par séances à discuter de leur adhérence. Gardons aussi à l’esprit, que même si nous voyions nos patients quotidiennement, ils passeront quand même environ 23h30 par jour en dehors de notre cabinet.

Ils ont l’opportunité (et le temps) d’accomplir bien plus de choses pour eux-mêmes que nous ne pourrons jamais en faire : le temps passé n’est pas du temps perdu, c’est du temps investi !

Petit jeu bonus : tout au long de l’article, j’ai glissé des petites références au KISS : ?. C’est vraiment une idée fondamentale (comptez-les donc !), autant dans la prescription d’exercices que dans le raisonnement clinique. Revenez-y sans arrêt, comme nous l’avons fait dans l’article !

Bisous les kikis ?

Avec Kobus, prescrire des exercices est un jeu d’enfant

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