« Pas de prescription, pas d’ordonnance. Pas d’ordonnance, pas de remboursement. Pas de remboursement… pas de remboursement ! » 

La prescription en Kinésithérapie

Par Vincent Girod

Le début des années 2000 a été un tournant pour la kinésithérapie : les kinés, auparavant techniciens appliquant les techniques qu’ils avaient apprises, devenaient praticiens, décidant par eux-mêmes les outils les plus pertinents à employer pour prendre en charge leurs patients. Cette révolution s’est concrétisée dans un acte : le Bilan Diagnostic Kinésithérapique (que nous appellerons par la suite BDK pour des raisons évidentes de facilité de lecture). 

Cette évolution de la profession s’est accompagnée d’une modification du contour législatif autour de la prescription de soins de kinésithérapie. En effet, le kiné exerce sur prescription d’un médecin qui se charge d’éliminer les pathologies graves. 

D’autres professions de santé exercent sur prescription médicale : les infirmiers, les pharmaciens, les orthophonistes… 

Le statut de la prescription médicale 

Mais avant d’aller plus loin, faisons un peu d’étymologie. D’après le Petit Larousse illustré, dans l’exercice de la médecine, la prescription désigne l’acte par lequel un professionnel de la santé habilité ordonne des recommandations thérapeutiques auprès d’un patient. Il peut s’agir de la prise de médicament, d’actes médicaux ou d’actes paramédicaux. L’ordonnance c’est le bout de papieravec lequel le patient repart, qui regroupe toutes ces prescriptions pour les faire appliquer. 

D’un point de vue légal, il s’agit d’un document administratif par lequel le professionnel de santé autorise la délivrance d’un produit ou la réalisation d’un acte (article R5132-3 du Code de la Santé Publique). Et c’est là qu’arrive la première source de confusion : pour beaucoup, ce document doit avoir une valeur médicale et ferait même partie du dossier du patient. 

Or, il n’en est rien ! L’ordonnance (telle qu’entendue dans la Loi) n’a d’autre rôle que de permettre le remboursement du produit ou de l’acte prescrit. C’est un sésame qui autorise le professionnel de santé à vous prendre en charge. Ensuite ce même professionnel transmettra cette ordonnance à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, ce qui permettra le remboursement des soins. 

C’est donc un document administratif scanné et envoyé numériquement à la CPAM. Un agent de la sécurité sociale est censé le lire à la réception pour s’assurer que la cotation employée correspond bien à la prescription.  

Le secret, c’est la santé 

Contrairement aux médecins assujettis au secret médical et les professionnels de santé au secret professionnel, les agents de la sécurité sociale ne sont pas du tout astreints au secret. L’ordonnance ne doit donc mentionner aucune information médicale ! À l’ère des réseaux sociaux, des GAFAM et du RGPD (Quoi ? Vous ne savez pas ce que c’est ?), la protection des informations personnelles est un enjeu de société. Les données de santé ne dérogent pas à la règle et il n’est pas concevable que les informations de santé d’un patient tombent entre les mains d’une personne à qui elles ne sont pas destinées. 

Mais nous avons besoin de quelques informations. N’hésitez pas à nous transmettre les éléments que vous jugez nécessaires à la bonne compréhension du patient et de sa pathologie (antécédents pertinents, contre-indications, examens pratiqués). Mais, si vous avez suivi ce qui est écrit plus haut, ces informations ne doivent pas figurer sur l’ordonnance. Alors voici deux idées : écrivez ces informations au verso de l’ordonnance (pas à la main par pitié).

« Faire pratiquer séances de massage et rééducation… » 

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Je vais être franc : je n’ai strictement aucune idée de la façon dont on soigne un patient atteint d’une hépatite, ou d’une angine bactérienne. Du moins, j’ai une petite idée, des restes de mes études et des informations glanées çà et là, mais il est probable que je sois clairement à côté de la plaque ! Eh bien, chers amis médecins, sachez qu’il en est très probablement de même pour vous à propos de la prise en charge en kinésithérapie. L’EBM a été également diffusé chez les kinés comme chez les médecins ; et les techniques et théories qu’on enseignait il y a une ou deux décennies ont été invalidées au profit d’autres. Le nombre d’entrées sur Pubmed montre le dynamisme de la recherche en kinésithérapie de par le monde et sa transposition dans la pratique courante est de plus en plus rapide. Sachez donc qu’il est plus que probable que les maigres cours que vous avez pu avoir sur la kinésithérapie sont aux mieux périmés, aux pires complètement faux ! Parmi ceux-ci, citons :  

  • L’électrostimulation du vaste médial (vaste interne pour les anciens) dans le syndrome fémoro-patellaire, 
  • Le travail des muscles abaisseurs dans les conflits d’épaule 
  • La notion de conflit d’épaule elle-même (on parle de syndrome sous acromial)  
  • Le travail proprioceptif de cheville sur plateau de Freeman 
  • Le clapping pour les encombrements bronchiques (là sérieux vous exagérez si vous notez ça…) : Kinésithérapie respiratoire suffira
  • Le massage transversal profond (MTP) pour les « tendinites » (pitié, n’en jetez plus !) 

J’en passe et des meilleurs.  

Le développement des connaissances est tel que même pour un kiné il est aujourd’hui impossible d’être pertinent dans tous les domaines de notre décret d’acte (c’est pour ça que nous sommes nombreux à réduire les domaines de compétence dans lesquels nous intervenons).  

C’est pour ça que la Loi a prévu que sur la prescription, le médecin ne doit pas mentionner les techniques à employer. De même, il a choisi de laisser le nombre de séances nécessaires à la libre appréciation du kiné… sauf si la prescription en mentionne un. L’expérience a d’ailleurs montré qu’en général celui-ci n’est pas pertinent quant à l’évolution du patient. 

« Pendant mon internat (dans les années 80) le Pr. Machin nous a dit que pour traiter les épaules il fallait faire ça ! » 

La rééducation commence chez le médecin 

Autre fait qui découle de la mention de techniques sur la prescription, c’est que cela crée une attente chez le patient. Autant vous dire qu’en inscrivant « massage et rééducation », le patient attendra du kiné qu’il le masse en premier lieu, la rééducation viendra après. Or, le massage est un outil parmi tant d’autres ! La palette de techniques est large, chacune avec ses intérêts, ses objectifs, ses avantages et ses inconvénients. N’enfermez pas le patient dans des attentes de techniques passives : ce sont des outils, pas des finalités. Préparez-le : « le kiné va vous montrer les mouvements qui vont vous aider à aller mieux ! ». Cette phrase suffit, et répond à l’étymologie de kinésithérapie : soigner par le mouvement. Elle préparera le patient à son évaluation par le kiné, nécessaire à l’élaboration de sa prise en charge et la rédaction du BDK. 

Si vraiment vous voulez pouvoir décrire fidèlement l’action du kiné, venez faire un stage dans nos cabinets ! 

À retenir

Si vous avez sauté directement à cette conclusion retenez ceci :  

  • Rédigez votre ordonnance en ne mentionnant QUE la région à traiter 
  • Ne mettez pas un nombre de séances à réaliser 
  • Si vous voulez nous transmettre des informations, rédigez un courrier à part, quelques mots au dos de l’ordonnance, ou au recto mais de manière qu’on puisse le masquer lors du scan 
  • La plume est plus forte que l’épée, mais l’ordinateur fait moins mal à nos yeux 
  • Donnez-nous votre adresse de messagerie sécurisée pour qu’on vous envoie le BDK 
  • Laissez-nous juger de l’urgence de la prise en charge. Pour toute vraie urgence, composez le 15 ? 

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