Distribution de zones douloureuses : Dynatomes vs Dermatomes

Par Bryan Littré, MKDE, passionné par les atteintes nerveuses périphériques

Bonjour, je suis Bryan LITTRE MKDE diplômé du CEERRF de Saint-Denis. Depuis mon diplôme, j’ai suivi beaucoup de formations dans le champ musculo-squelettique où j’ai découvert les atteintes nerveuses périphériques (névralgies cervico brachiales, sciatalgies, radiculopathies …) pour lesquelles j’ai un attrait particulier.

Dans ce troisième billet, nous allons nous intéresser aux douleurs du patient et au ressenti en zone de ces douleurs.

Les dermatomes

Lorsqu’un nerf périphérique ou une racine nerveuse est atteint par une pathologie, un processus complexe peut se mettre en place afin de participer à la création de douleur chez un individu. Il est souvent rapporté des douleurs décrites comme irradiantes, à distance du site de lésion lorsqu’elles peuvent être mis en évidence.

Au 19ème et début 20ème siècle, ont été imaginés les dermatomes à partir d’observations cliniques et d’expérimentations animales. Les dermatomes sont décrits comme étant des zones cutanées innervées par les fibres nerveuses d’une seule racine rachidienne nerveuse.

L’hypothèse de plusieurs chercheurs et cliniciens était donc la suivante : en analysant le trajet douloureux décrit par le patient, nous serions capables d’identifier quelle racine nerveuse est en souffrance. Inversement, si une racine nerveuse est en souffrance, alors le patient ressentira des douleurs sur le territoire d’innervation de cette racine.

“en analysant le trajet douloureux décrit par le patient, nous serions capables d’identifier quelle racine nerveuse est en souffrance.”

Sauf que l’étude des dermatomes ne permet pas d’identifier quelle racine nerveuse est atteinte. Les différents dermatomes décrits dans tous les livres ne semblent pas refléter au mieux la réalité.

Au fil des études menées, nous avons pu nous apercevoir qu’il n’y a pas de lien, ni de cohérence, entre ce que décrivent les patients et ce qu’est un dermatome. Slipman et al. dans leur étude expérimentale, ont par exemple mis en évidence en 1998, lors la stimulation mécanique précise de racines nerveuses cervicales, que les patients rapportent des douleurs ne suivant pas les dermatomes.

Dans plusieurs études observationnelles, il y a eu une analyse des imageries médicales, des examens complémentaires, des tests neurodynamiques de reproduction de douleur, afin de mettre en évidence l’atteinte d’une racine nerveuse en souffrance. Il était alors comparé ce que rapportaient les patients comme zones douloureuses avec les dermatomes correspondant à la lésion objectivée ultérieurement. Peu importe la zone étudiée, que ce soit le membre supérieur (Murphy 2009, Rainville 2017) ou le membre inférieur (Taylor 2013, Lee 2008), les preuves ne supportent PAS l’idée qu’en analysant la distribution des symptômes des patients, nous puissions prédire quelle racine nerveuse est en souffrance. Dit autrement, l’étude des dermatomes a une faible valeur prédictive dans l’aide au diagnostic d’atteinte radiculaire.

“Slipman et al. ont par exemple mis en évidence en 1998 que les patients rapportent des douleurs ne suivant pas les dermatomes.”

Ces conclusions semblent cohérentes avec les données physiopathologiques et anatomiques. En effet, la majorité des zones cutanées sont innervées par plus de 2 racines nerveuses distinctes, les variations anatomiques ainsi que les anastomoses nerveuses créent des possibilités quasi infinies de distribution de zones douloureuses. De plus, la neuro-inflammation immune qui accompagne les pathologies nerveuses peut altérer les racines nerveuses adjacentes et diminuer leur seuil de sensibilité aux stimulations mécaniques ou chimiques.

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Les dynatomes

Le terme de dynatome a été proposé et semble plus en accord avec les observations cliniques, les données expérimentales et observationnelles. Un dynatome est défini comme étant une zone cutanée ressentie comme douloureuse suite à la maladie de la racine nerveuse.

Ici aucune zone prédéfinie n’a pu être mise en évidence, par conséquent nous ne pouvons pas non plus nous contenter de la description de douleur irradiante afin d’émettre le diagnostic d’une maladie du nerf. Nous ne pouvons pas non plus exclure l’hypothèse diagnostique de neuropathie, car nous n’observons pas d’irradiation dans la description de la distribution des douleurs du patient.

Les tests de reproduction de douleur comme les tests neurodynamiques sont à ce jour les meilleures aides permettant d’augmenter la probabilité d’inclure une atteinte du système nerveux périphérique dans l’élaboration des douleurs du patient.

Cependant l’évaluation des zones cutanées douloureuses et non douloureuses reste indispensable, afin d’évaluer l’étendue des troubles. Cela permettra également de nous offrir un suivi de l’évolution des signes cliniques du patient et un pronostic. L’évaluation devra coupler le raisonnement clinique avec les différents tests neurologiques afin de pouvoir confirmer ou infirmer la présence de neuropathie.

Compilation de la distribution des douleurs de patients ayant une stimulation mécanique de la racine nerveuse C4 (A), C5 (B), C6 (C), C7(D).

La semaine prochaine nous allons commencer par nous intéresser  aux tests permettant de mettre en évidence une neuropathie périphérique.

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